Loi Thomas
Disgressions sur l’emploi des seniors
Aux États-Unis, les deux candidats potentiels à la prochaine élection présidentielle de 2024, Joe Biden et Donald Trump ont respectivement 82 ans et 77 ans. Quand Joe Biden est né, Franklin D Roosevelt était Président des États-Unis ; pour Donald Trump, c’était Harry Truman. Aux États-Unis – pays des start-up des entreprises créées par des jeunes de moins de 30 ans, première puissance technologique du monde, et pays où des vedettes comme Taylor Swift deviennent milliardaires à moins de 35 ans – la population remet son destin politique entre les mains de seniors. A contrario, en France, Emmanuel Macron a été élu la première fois à 39 ans. Pour les prochaines élections européennes prévues en 2024, la tête de liste du parti communiste, Léon Deffontaines a 27 ans, celle du Rassemblement National, Jordan Bardella, 28 ans, sachant qu’il en avait 24 ans lors de la précédente élection, et la candidate de LFI, Manon Aubry, également déjà candidate en 2019, 33 ans. Au niveau du Gouvernement, le Ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal a 34 ans. Dans le passé, Valéry Giscard d’Estaing ou Jacques Chirac faisaient figures d’exception en ayant commencé leur carrière ministérielle dans la trentaine mais ils quittèrent, comme bien d’autres, leur dernier mandat bien au-delà de 60 ans. C’était une autre époque ! Le rajeunissement de la classe politique français trouve ses sources non pas dans la démographie mais dans la suppression du cumul des mandats. Les élus dépendent d’un seul mandat, ce qui les contraint plus souvent que dans le passé, à abandonner la vie politique en cas de défaite. Par ailleurs, en quelques décennies, les élus, confrontés à des contraintes juridiques et médiatiques accrues, voire physiques avec la multiplication des actes de violence, sont plus nombreux que dans le passé à démissionner de leurs mandats ou à ne pas se représenter.
La propension au rajeunissement concerne de nombreux secteurs. Dans le monde économique, dans un contexte de profondes mutations technologiques et énergiques, les entreprises appellent de plus en plus de jeunes aux commandes afin de bénéficier d’un regard neuf et disruptif. Les start-up n’ont pas l’exclusivité du rajeunissement. À seulement 28 ans, Agathe Monpays est ainsi devenue le 1er septembre dernier, la nouvelle directrice de l’enseigne de grande distribution de bricolage, Leroy Merlin. Le choix de la jeunesse démontre également la qualité des systèmes de formation. Cette situation vaut également pour le sport. Le joueur de football, Warren Zaïre-Emery, bat des records de précocité, que ce soit au PSG ou à l’équipe de France qu’il a intégrée à 17 ans.
Jeunesse des dirigeants d’un côté de l’Atlantique et vieillesse de l’autre côté ne sauraient résumer la question des seniors et de l’emploi mais elle en est une des expressions. En France, un consensus a longtemps prévalu entre employeurs et salariés. Le souhait des uns et des autres, pour des motifs certes différents, convergeait vers un départ précoce. Or, celui-ci s’avère coûteux en termes de croissance et porte atteinte au bon équilibre des finances publiques. Par ailleurs, selon une récente enquête de la DREES, le service statistique du Ministère de la Santé, 28 % des nouveaux retraités de 2021 se sont déclarés insatisfaits de leur vie après la liquidation de leurs droits au point de regretter leur départ du monde professionnel. La « retraite couperet » crée une rupture psychologique parfois difficile à surmonter. L’adaptation de l’emploi aux seniors est une ardente obligation au vu du vieillissement de la population active. Le développement de la retraite progressive, encouragé par la dernière réforme des retraites, constitue une des voies possibles. Pour le moment, ce dispositif qui permet de concilier travail à temps partiel et retraite est confidentiel. Au 31 décembre 2022, il comptait 24 237 bénéficiaires. Une meilleure programmation des emplois en fonction de l’âge devrait être encouragée afin de faciliter le maintien des seniors en activité. Ces derniers devraient jouer un rôle plus important dans la transmission des compétences. Même au temps de l’intelligence artificielle, l’expérience conserve de la valeur. Des entreprises sans mémoire sont des entreprises hors sol bien souvent moins performantes que celles disposant d’une solide histoire transmise de génération en génération.
Jean-Pierre Thomas
Président de Thomas Vendôme Investment