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10 août 2023 • L'édito

La vie n’est pas toujours une plaisanterie

Le 11 juillet dernier, Milan Kundera nous a quittés. Il est certainement un des romanciers du XXe et du début du XXIe siècles qui a le mieux compris et traduit l’ironie de l’histoire. Il se méfiait, à juste titre, de la gesticulation du passé et de l’exaltation de l’avenir. Né dans un petit État d’Europe centrale, la Tchécoslovaquie, à l’époque, il aimait à répéter qu’il était avant tout un Européen de culture et qu’il connaissait le prix des États qui sont soumis aux vicissitudes de l’Histoire. L’Europe de Brest à Vladivostok a, à travers les siècles, toujours été constitué d’une multitude de pays qui se sont affrontés. À partir des guerres napoléoniennes, les guerres sont devenues de plus en plus meurtrières et globales, « la montée aux extrêmes » étant de mise dans de nombreux conflits. Malgré les millions de morts, les destructions, la culture européenne a survécu en réussissant à s’affranchir des frontières et des idéologies. Leon Tolstoï, Fiodor Dostoïevski, Igor Stravinsky, Ludwig von Beethoven, Wolfgang Amadeus Mozart, Jean-Jacques Rousseau, Denis Diderot, Victor Hugo et bien d’autres sont les témoins de cette culture européenne qui se renouvelle en permanence et qui réussit à cet isthme de continent euro-asiatique de toujours briller. Milan Kundera, tout comme Cioran, Beckett, Kafka, Cervantès ou Rabelais, ont su manier l’arme du doute et de la dérision. Au moment où l’Europe est confrontée à une nouvelle division qui la fragilise tant sur le plan moral qu’économique, celle-ci ne doit pas perdre ses valeurs humanistes. La première bataille à gagner, en ces temps incertains, est celle de la connaissance et de sa diffusion. Si la France peine sur le plan de l’industrie, c’est avant tout par manque de spécialistes de ce secteur. La crise des quartiers dits prioritaires de la ville est avant tout celle de la défaillance de l’éducation tant familiale que nationale. Quand l’école ne peut plus faire rêver, il ne faut pas s’attendre à ce que les jeunes aient de l’esprit. L’amélioration de la formation devrait constituer la première des priorités afin d’éviter qu’un nombre important de jeunes soient tentés par des aventures futiles ou illégales. Jusqu’à la fin des années 1970, l’instituteur était vénéré et respecté. Mon père, instituteur, jusqu’à la fin de sa vie fut un artisan de la transmission du savoir et d’une philosophie de la vie. Résistant, ayant connu les camps de concentration, il a cherché à partager son expérience avec le plus grand nombre de personnes. Aujourd’hui, nous sommes tous possédés par l’actualité au risque de succomber à l’oubli. La dévalorisation des métiers de l’enseignement et de la transmission coïncide avec la perte de repères qui menace de nombreux pays dont la France. Nul ne souhaite revenir, au nom d’une nostalgie mal placée, aux temps anciens, mais nous aurions tous à gagner à redonner toutes ses lettres de noblesse à l’Éducation.

Durant cette pause estivale, prenons le temps de réfléchir sur les moyens d’améliorer individuellement et collectivement notre situation en nous souvenant de la formule de Pascal Bruckner « trop d’esprits paresseux glosent sur la décadence occidentale au lieu de rechercher des remèdes à nos maux ».

Jean-Pierre ThomasPrésident de Thomas Vendôme Investment

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